13 Avril 2019
Le président Cyril Ramaphosa a beau promettre le grand ménage, rien n’y fait. A moins d’un mois des élections générales en Afrique du Sud, les scandales de corruption n’en finissent pas de pourrir la campagne de son parti, le Congrès national africain (ANC).
Après l’ex-président Jacob Zuma, une pléiade de ministres, d‘élus et de hauts fonctionnaires, c’est au tour du secrétaire général du parti, Ace Magashule, d‘être épinglé.
Dans la dernière ligne droite qui mène au scrutin du 8 mai, sa mise en cause provoque un vif embarras au sommet de l’ANC et attise les critiques de l’opposition, qui rêve toujours de priver le parti de la majorité absolue qu’il détient depuis 1994.
L’affaire Magashule a éclaté il y a quinze jours avec la sortie d’un livre, qui décrit d’un jour peu flatteur les neuf ans du règne d’Ace à la tête de la province du Free State (centre) sous le titre très évocateur de “Gangster State”.
Ce proche de Jacob Zuma y est accusé d’avoir illégalement offert pour 2 milliards de rands (120 millions d’euros) de marchés publics à des entrepreneurs “amis” en se servant au passage.
Ace Magashule a aussitôt dénoncé des “mensonges éhontés”. “Je ne suis pas corrompu !”, a-t-il asséné.
Comme un seul homme, l’ANC s’est rangé derrière lui pour dénoncer une “odieuse campagne visant à assassiner” son secrétaire général à la veille des élections.
Mais ce tir de barrage n’a pas été du goût de tous les “camarades”. “Je ne suis pas prêt à considérer toutes ces allégations comme des mensonges”, s’est offusqué le ministre du Tourisme Derek Hanekom, un proche du président Ramaphosa.
- “Monsieur Propre” – Avec ce dernier scandale, les rivalités qui déchirent l’ANC ont une nouvelle fois éclaté au grand jour.
Depuis qu’il a pris les rênes du parti fin 2017, Cyril Ramaphosa doit composer avec les partisans de son prédécesseur Jacob Zuma, qui a peu goûté d‘être contraint de quitter la présidence du pays avec un an d’avance à cause de ses ennuis judiciaires.
Le nouveau patron joue depuis les “Monsieur Propre” en promettant de tordre le cou à la corruption.
Mais les têtes tardent à tomber. Des commissions d’enquête ont beau exposer au grand jour les turpitudes de proches de Jacob Zuma toujours membres du gouvernement actuel, tous ou presque ont gardé leurs maroquins.
Pressé de réagir, le chef de l’Etat temporise. “Nous ne sommes pas une dictature (…), nous fonctionnons comme un Etat de droit”, répète à longueur de discours Cyril Ramaphosa. “Mais si la prison est justifiée, il y aura des peines de prison”.
Lumkile Mondi, professeur à l’université du Witwatersrand à Johannesburg, est dubitatif. “Nous resterons sceptiques jusqu‘à ce qu’un gros poisson de l’ANC finisse en prison”.
Mais il doute de la volonté du parti de se débarrasser de sa culture de corruption. “La lutte qui oppose les factions de l’ANC n’a rien à voir avec les pauvres ou l‘éducation”, deux thèmes très porteurs en Afrique du Sud, relève M. Mondi. “Elle a pour seul ressort l’accès aux ressources publiques”.
Les promesses du président Ramaphosa font aussi hurler l’opposition, qui espère bien tirer les marrons électoraux du feu des scandales.
- Crédibilité – “Tout le monde est convaincu que l’ANC est corrompue jusqu‘à la moelle et que ça ne changera jamais”, assène le chef de l’Alliance démocratique (DA, centre), Mmusi Maimane. “Je crois donc que pas mal d‘électeurs de l’ANC vont s’abstenir”.
“Ils voulaient une nouvelle ère, ils ont dit que (l’ANC) était propre”, raille son alter ego des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), Julius Malema. “On est en train de profiter de tout ça”, se frotte-t-il les mains.
Jusque-là, la popularité du chef de l’Etat n’en a pas pâti – 60% de satisfaits, selon un récent sondage – et les analystes prédisent toujours à l’ANC plus de la moitié des 400 sièges du Parlement.
Nullement gêné par les accusations qui le visent, Ace Magashule continue, lui, à faire campagne comme si de rien n‘était. “D’abord gagnons les élections”, a-t-il lancé jeudi. “Ensuite on se retrouvera pour discuter, pour rebâtir proprement l’ANC”.
“Tiens bon en ces temps difficiles”, lui a même lancé vendredi, provocateur, sur Twitter son mentor Jacob Zuma.
Officiellement, l’ANC a pris ses distances avec Ace Magashule. “Cette affaire est désormais du ressort du seul secrétaire général”, a tranché le parti. Et le président Ramaphosa se garde bien de s’afficher avec lui en campagne.
Mais les fidèles du parti s’inquiètent des fissures qui le lézardent.
“Magashule devrait démissionner car ces accusations pèsent sur tout le parti”, juge un militant de sa province du Free State, Fourie Sentimile. Mais il veut croire que Cyril Ramaphosa saura faire le ménage. “Si on lui donne sa chance, on verra le changement”.
( ENGLISH )
President Cyril Ramaphosa may well promise the cleaning, nothing helps. With less than a month of general elections in South Africa, corruption scandals continue to rot the campaign of his party, the African National Congress (ANC).
After former President Jacob Zuma, a host of ministers, elected officials and senior officials, it is the turn of the party's secretary general, Ace Magashule, to be pinned.
In the final straight that leads to the May 8 ballot, his questioning provokes a great embarrassment at the top of the ANC and stirs critics of the opposition, who still dreams of depriving the party of the absolute majority it holds since 1994.
The Magashule affair erupted a fortnight ago with the release of a book, which describes a day unflattering nine years of Ace's reign at the head of the Free State province (center) under the title very evocative of "Gangster State".
This close to Jacob Zuma is accused of illegally offered for 2 billion rand (120 million euros) of public contracts to contractors "friends" by using the passage.
Ace Magashule immediately denounced "shameless lies". "I'm not corrupt!" He said.
As one man, the ANC lined up behind him to denounce an "odious campaign to assassinate" his secretary general on the eve of the elections.
But this barrage was not the taste of all "comrades". "I am not ready to consider all these allegations as lies," said Tourism Minister Derek Hanekom, a close associate of President Ramaphosa.
- "Monsieur Propre" - With this latest scandal, the rivalries that tear the ANC have once again burst into the open.
Since he took the reins of the party at the end of 2017, Cyril Ramaphosa has to contend with the supporters of his predecessor Jacob Zuma, who has little taste to be forced to leave the presidency of the country a year in advance because of his judicial trouble.
The new boss plays since the "Mr. Clean" promising to twist the neck to corruption.
But the heads are slow to fall. Boards of inquiry may openly expose the turpitudes of relatives of Jacob Zuma still members of the current government, all or nearly kept their morocco.
In a hurry to react, the head of state delays. "We are not a dictatorship (...), we operate as a state of law", repeats Cyril Ramaphosa. "But if the prison is justified, there will be prison sentences."
Lumkile Mondi, a professor at the University of the Witwatersrand in Johannesburg, is skeptical. "We will remain skeptical until a big ANC fish ends up in prison."
But he doubts the party's willingness to rid itself of its culture of corruption. "The struggle between the factions of the ANC has nothing to do with the poor or education", two themes very promising in South Africa, notes Mr. Mondi. "Its sole source is access to public resources".
The promises of President Ramaphosa are also screaming the opposition, which hopes to pull the ballot of the heat of scandals.
- Credibility - "Everyone is convinced that the ANC is corrupt to the core and that it will never change," asserts the head of the Democratic Alliance (DA, center), Mmusi Maimane. "So I think a lot of voters in the ANC will abstain."
"They wanted a new era, they said that (the ANC) was clean," mocks his alter ego of the Fighters for Economic Freedom (EFF, radical left), Julius Malema. "We're enjoying all of this," he rubs his hands.
Until then, the popularity of the head of state has not suffered - 60% satisfied, according to a recent survey - and analysts still predict the ANC more than half of the 400 seats in Parliament.
Undaunted by the charges against him, Ace Magashule continues to campaign as if nothing had happened. "First win the elections," he said Thursday. "Then we will meet again to discuss, to rebuild the ANC properly".
"Hold on well in these difficult times," he even said on Friday, provocatively, on Twitter his mentor Jacob Zuma.
Officially, the ANC has distanced itself from Ace Magashule. "This case is now the sole responsibility of the secretary general," the party decided. And President Ramaphosa is careful not to appear with him in the field.
But the faithful of the party are worried about the fissures that crack it.
"Magashule should resign because these accusations weigh on the whole party," said an activist in his Free State province, Fourie Sentimile. But he wants to believe that Cyril Ramaphosa will do the housework. "If we give him a chance, we'll see the change."