2 Mars 2019
En Algérie, malgré des appels à la vigilance formulés par les autorités, les manifestations du vendredi 1er mars ont réuni beaucoup plus de monde que celles de la semaine dernière. D’est en ouest, du nord au sud, les Algériens ont manifesté globalement dans le calme, contre un 5ème mandat du président Bouteflika. Que va-t-il se passer désormais ? L’ampleur de ces mobilisations ne peut pas laisser les autorités indifférentes.
Cette semaine, le Premier ministre a insisté : le président Abdelaziz Bouteflika sera candidat et il appartiendra aux électeurs de trancher. Et tout semble d'ailleurs prêt pour lancer la campagne électorale du président sortant.
Bouteflika : 82 ans ce samedi
Les candidats à l’élection présidentielle ont jusqu’à dimanche pour déposer leur dossier de candidature et le délai semble trop court pour trouver un autre candidat.
Le président Abdelaziz Bouteflika, qui a 82 ans ce samedi, est hospitalisé à Genève depuis plus de cinq jours. Il devra rentrer pour déposer son dossier.
Mais, la mobilisation est une donnée supplémentaire dans l’équation. D’abord, dans un pays où les manifestations ont rarement rassemblé plus de 5 000 personnes ces six dernières années, la mobilisation de centaines de milliers de personnes à travers tout le pays est un signal fort. Mais surtout les autorités ne cessaient de répéter qu’il fallait être vigilant, face aux dérapages, que l’Algérie était attachée à la paix. Mais dans tout le pays, les choses se sont globalement passées dans le calme.
Quelle alternative politique ?
Mais si la mobilisation est importante, elle a besoin d'un relais politique, pointe Hasni Abidi, politologue, directeur du Centre d'études et de recherche sur le
Ecoutez Hasni Abidi: qui pour remplacer Abdelaziz Bouteflika ?
02-03-2019 - Par Jeanne Richard
monde arabe et méditerranéen à Genève. Or « aujourd’hui, ni les partis politiques qui existent, ni les figures politiques, ne sont en mesure de prendre ce relais ». Et d'ailleurs les manifestants ne veulent pas que les hommes politiques se mêlent en tant que partis dans cette manifestation, ajoute le chercheur. « Il y a un rejet des manifestants de toute offre politique existante ».
Du coup, le pouvoir est dans une impasse. Le président Bouteflika, pendant deux décennies « a tout fait pour éliminer toute alternative politique, il a miné de l’intérieur les partis politiques... Il est très difficile de trouver un plan B pour rassurer les Algériens, d’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement de renoncement, de dire non... c’est un changement radical que les Algériens vont demander. Mais qui va piloter cette transition, ce changement ? Ça, c’est une grande question ».
Un printemps algérien ?
L'Algérie vit-elle son printemps arabe ? Selon Pierre Vermeren, professeur d'histoire du Maghreb contemporain à l'université Paris I, on en est encore loin. Dune part l’Algérie est un pays «qui a déjà vécu des aventures politiques extrêmement douloureuses, extrêmement meurtrières», d'autre part, «c’est un peuple qui a une grande maturité politique. Donc, je pense qu’ils ne sont pas du tout dans l’état d’esprit des foules libyennes, par exemple... Là, il y a un objectif très précis, c’est une demande sur cette question du 5ème mandat».
Mais pour autant, «les Algériens ne se font pas trop d’illusions, ils savent très bien que c’est un système de pouvoir très compliqué, en même temps puissant, qui est légitimé par l’histoire, avec un appareil d’Etat extrêmement solide. Donc, je pense qu’il ne faut pas aller trop loin. Mais simplement, il est évident que, quand vous avez des foules importantes qui sont rassemblées dans une situation de frustration politico-économique, ça finit évidemment par déborder du cadre ».
( ENGLISH )
In Algeria, despite calls for vigilance formulated by the authorities, the demonstrations on Friday, March 1 reunited many more people than those of last week. From east to west, from north to south, the Algerians showed overall calm, against a fifth term of President Bouteflika. What will happen next? The scale of these mobilizations can not leave the authorities indifferent.
This week, the Prime Minister insisted: President Abdelaziz Bouteflika will be a candidate and it will be up to the voters to decide. And everything seems ready to launch the election campaign of the outgoing president.
Bouteflika: 82 years old this Saturday
Candidates in the presidential election have until Sunday to submit their application and the deadline seems too short to find another candidate.
President Abdelaziz Bouteflika, who is 82 on Saturday, has been hospitalized in Geneva for more than five days. He will have to return to file his file.
But, mobilization is additional data in the equation. First, in a country where protests have rarely gathered more than 5,000 people in the past six years, the mobilization of hundreds of thousands of people across the country is a strong signal. But above all the authorities kept repeating that it was necessary to be vigilant, in the face of slippages, that Algeria was committed to peace. But all over the country, things have generally been peaceful.
What political alternative?
But if the mobilization is important, it needs a political relay, points Hasni Abidi, political scientist, director of the Center of studies and research on the
Listen to Hasni Abidi: who to replace Abdelaziz Bouteflika?
02-03-2019 - By Jeanne Richard
Arab and Mediterranean world in Geneva. But "today, neither the political parties that exist, nor the political figures, are able to take this relay". And besides the protesters do not want politicians to mingle as parties in this event, adds the researcher. "There is a rejection of the demonstrators of any existing political offer".
Suddenly, the power is in a dead end. President Bouteflika, for two decades "has done everything to eliminate any political alternative, he undermined from the inside political parties ... It is very difficult to find a plan B to reassure the Algerians, especially since it's not just about giving up, saying no ... it's a radical change that Algerians will ask for. But who will drive this transition, this change? That's a big question. "
An Algerian spring?
Does Algeria live its Arab Spring? According to Pierre Vermeren, professor of contemporary Maghreb history at Paris I University, we are still far from it. On the one hand, Algeria is a country "which has already experienced extremely painful, extremely deadly political adventures", on the other hand, "it is a people with great political maturity. So, I think they are not at all in the mood of Libyan crowds, for example ... There, there is a very specific objective, it is a request on this issue of the 5th term " .
But for all that, "the Algerians do not have too many illusions, they know very well that it is a system of power very complicated, at the same time powerful, which is legitimized by history, with a state apparatus extremely strong. So, I think we should not go too far. But simply, it is obvious that when you have large crowds that are gathered in a situation of political and economic frustration, it ends up obviously overflowing of the frame ".